Du revers de la main, John chassa la sueur qui perlait sur ses tempes. Passant une vitesse, s'accrochant au volant, alternant sa concentration pour la route et l'inconfort de la moiteur marine, enfermée dans l'habitacle du véhicule, auquel s'ajoutaient les questionnements qui fourmillaient dans son cerveau depuis que Jeanne était sortie de la voiture.
Assis seul dans la voiture, les fenêtres ouvertes dans le but de capturer une brise et la banquette arrière ensevelies sous une pile de vêtements propres d'un côté, des sacs, des bouteilles et des piles de feuilles de l'autre, « sa paperasse » comme il disait, sa petite 407 avançait au rythme d'une balade accélérée.
Sur le chemin de l'aller, il s'était senti comme un salaud. Quand Jeanne l'avait appelé ce matin, vers onze heures, alors qu'il était assis dans sa voiture garée sur une place au droit de stationnement dépassé, sortant du sommeil, il avait senti sa voix tourmentée.
Il revoyait la conversation, tandis qu'elle lui avait demandé de l'emmener, à cet endroit appelé « Le toit des éveillés », la plus grande falaise de la côte, l'endroit où l'on avait la plus belle vue sur l'horizon miroitant. Un endroit propice aux débuts comme aux fins des histoires. Évidemment, il avait trouvé ça un tantinet bizarre, mais pour cet homme qui dormait souvent en la compagnie de Mme Solitude plutôt que de celle de Morphée, rendre un service le comblait de l'extase que procure les bonnes relations. Alors, il l'avait emmenée et laissée seule là-bas, avec des tracas visibles dans ses yeux, qui lui donnaient cet air d'ange triste.
Il freina brusquement et se rabattit sur le bord. Le moteur rutilant sembla apprécier ce choix, son rugissement se transformant en ronronnement, pour enfin s'éteindre dans le Silence. Il alluma la radio, et il reconnut une chanson, elle s'intitulait "Zenith Diamond". Le rythme dansant lui apporta un semblant de motivation.
" C'est fou ça, qu'une musique s'accorde toujours à un des moments de notre vie ! " pensa-t-il avec une sorte d'émerveillement dans le regard de ses yeux bleus encre, comme la nuit.
Sortant de la voiture, il frémit au contact du vent. La route s'étendait de long en large, vide, et il profita de ce calme ambiant pour expulser ses idées noires.
Fouillant dans la poche de son pantalon gris, il sortit son paquet de Camel, prit une cigarette et la mit au coin de sa bouche. Le souffle apporta les effluves de tabac à ses narines, et il dut s'y prendre à deux fois pour allumer sa clope.
L'odeur boisée lui fit penser à l'odeur de la mort. Et il se dit "c'est ça que ça sent le cancer?"