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Jusqu'aux Beaux Jours

par Mr. Kanard

 

Je cours dans les rues, projetant des gerbes d'eau sur quiconque est sur mon chemin. Je jette un bref coup d'oeil, estime le temps que la voiture mettra à me percuter ou non. C'est serré mais... Tant pis. Je file tel une fusée, provoquant les claxonnements de l'automobiliste qui devait être pressé de rentrer voir sa femme. Je le comprend, avec cette pluie, rien ne vaut le câlin de sa tendre.

 

Je me pose un instant, respire à grands bruits, savoure les battements de mon cœur encore sous le choc de cette éventuelle collision entre mon corps faible et cet engin de fer.
En face de moi des femmes affriolantes sortent d'un bar, à l'enseigne violet fluo, le genre de lumière pour une maison close. Je leur jette un coup d'oeil, et ma mine détrempée et confuse leur fait partir dans un éclat de rire sans méchanceté, attestant la légèreté de la vie de ces demoiselles. Je leur adresse tant bien que mal un sourire – on n'oublie pas les bonnes manières ! - Et je repars, en ayant jeté sur l'autre trottoir un bref coup d'oeil. Pétage de plomb sur pétage de plomb, je suis en train d'essayer d'échapper à deux hommes que j'ai provoqué, assénant un coup de poing violent à l'un, faisant un doigt d'honneur à l'autre, et je m'étais barré. Je venais de sortir de chez moi sous les cris familiaux, auxquels j'étais habitué puisque j'étais un peu l'oeil de ce cyclone dévastateur. Je ne voulais plus m'arrêter. À quiconque tenterait de me stopper, je débiterais mes paroles, joindrais les actes, démontrerais par A plus B que moi aussi j'avais mes choses à dire – et surtout, à faire.

Je cherche sans chercher un endroit où aller. Parce que oui, en même temps que je sois parti sortir les poubelles, je suis parti me sortir l'esprit. Pour une durée indéterminée. Le monde me paraît d'un coup plus grand, et jugeant que je me suis suffisamment aventuré dans les rues pleines de monde, je marche, d'un pas tranquille malgré mon cœur lourd de choses diverses. Je regarde l'écran à moitié brisé de mon téléphone – 22h15. Qu'est ce que je pourrais faire à cette heure ci ? Je n'ai que 6 euros dans mon portefeuille, et dans mon sac, mon ordinateur et des fringues. Pas de quoi faire un stage commando.

 

J'ai fais une connerie en partant de chez moi.. Alors autant que ça me serve. Je regarde autour, et j'aperçois une vieille dame, au cheveux aussi blanc que la neige – de la même couleur que son chien qu'elle promène. Franchement, chapeau la motivation par xe temps ! Je lui demande la direction de la gare. D'un sourire qu'ont les vieilles personnes, elle me l'indique du doigt, je comprend qu'elle est muette, je la remercie de mon plus beau sourire, donne une caresse à son animal, et je pars, en courant. Je cours en poussant les gens autour de moi, qui s'exclament à renfort d'insultes, que j'essuie comme la pluie sur mon visage.

J'arrive après 15 minutes effrénées en face d'un grand bâtiment qui se découpe dans l'obscurité par la lumière des réverbères. Je vais sous le préau, et m'assied sur un banc. Il pleut mais la température est convenable. Je met ma capuche (et oui, c'est une fois à l'abri de la flotte que je m'en sers) et regarde autour de moi les gouttes tracer dans le rien des sillons, brillantes grâce à la lumière. Je crois que je vais partir. J'en ai bien envie en fait. Sur le mur en face de moi, il y a des graffitis qui s'entremêlent, symboles des nombreux voyageur passés, sans distinction de couleurs, de race ou d'age. Genre un mur plus accueillant que le monde, ou que chez moi. Je fouille dans mon sac et y trouve un marqueur, je me lève et décide de laisser ma trace. Je signe « Dante », comme le poète. J'y ajoute un gros sourire aux yeux en forme de X et retourne sur le banc.

 

Je n'ai plus rien à faire, alors je m'allonge, tel un vagabond qui n'a d'autre endroits pour dormir que ceux qu'il choisit. Je ferme les yeux, et c'est tout un monde que je vois. Je me vois bien courir dans des forêts, ou encore dans les steppes d'Asie. Puis quand j'en aurais marre, je rencontrerais des gens. En fait non : je rencontre des gens, et j'irais me promener avec eux. Je tremblais déjà à l'idée de ces moments futurs, que j'imaginais, qui étaient comme la flamme d'un briquet dans une nuit sans étoiles ni lampadaires.

 

 

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