No Man's Land
"Y avait quelque chose qui ne collait pas. Un cri, sourd, bestial et muet, qui était enfermé en chacun de nous. Un cri qui nous faisait pleurer et répandait une rosée organique au sol. C'est ce cri que je voulais exorciser. Il fallait passer par là pour être mieux. Être bien. Je ne savais même pas ce que signifiait être bien, je ne savais rien au fond. Le vent qui tentait de me déstabiliser compte tenu de ma position d'équilibriste sur l'antenne le témoignait. Il me harcelait de ses bourrasque, dans ma tête apparaissait l'image d'un tortionnaire et de son prisonnier, qu'il harcelait de toute les façon pour lui faire cracher le morceau. Jim, qui lui était assis, les pieds dans le vide, regardait dans le vide, perdu dans la brume environnante qui s'avançait lentement. On se sentait un peu comme les maîtres du monde ici, comme quand on est enfants et qu'on va de plus en plus haut sur une balançoire, ou bien quand on escalade un arbre pour la première fois. Je le regardais, d'un air qui disait « On fait quoi maintenant ? »
Il détourna les yeux pour me regarder, de ses yeux gris qui s'accordaient parfaitement au paysage.
-Tu veux que je te dises ? J'en sais pas vraiment plus que toi. On a jamais vraiment su quoi faire dans nôtre vie, la preuve, on est perché sur une antenne comme deux guignols, on crève de froid, ce moment n'a aucune crédibilité, tout comme notre vie jusqu'à maintenant. Et tu veux que je te dise encore un truc ? Calme toi, je sais bien que c'est dur, qu'on sait pas où aller, mais partir, ça a été notre choix. Tu te serais sentis dans le même état si tu avais murmuré tes belles paroles et obéis docilement, trouvé un travail et acheté une maison. On a fais ce choix, parce que on veut savoir justement. On est comme des pigeons sur un câble de poteau électrique, on sait pas si on se prendra le jus ou pas, ce qui compte, c'est de faire ce qu'on a à faire, quoi ? Je ne sais pas, mais je sais qu'on a un truc à faire, c'est pour ça qu'on est ici, que nos pas nous on portés ici »
En me disant tout ça, il renforçait mes convictions, on devait avoir l'air fins ici, mais peu importe, de toute façon personne ne nous regarderait. Je m'assis à côté de lui, et il me tendit une cigarette. La fumée parti se mêler au brouillard. On était comme deux enfants, écoutant le vent, rêvant et pensant, à ce que demain serait et à ce qu'il nous faudrait faire. [...]"
par Mr. Kanard