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            Il rentrait chez lui ce vendredi soir, en bus. Habiter aussi loin du lycée lui coûtait en temps, mais peu importe, il n’avait pas vraiment le choix de toute manière. Et puis, le trajet lui permettait de réfléchir, ou de dormir. D’avoir un cerveau surexploité, ou complètement éteint.

            Ce vendredi soir, il pensait. Beaucoup. Mais à une seule chose. Ou plutôt une seule personne. Cette fille, cette folle, cette feuille, cette fouille, cette faille. Il ne l’avait jamais considérée auparavant, ou alors, pas sérieusement. Jusqu’à quand ?  Jusqu’à ce petit bout de papier. Ce petit carré de fibres où chacune d’entre elles avait un sens. Certaines étaient imprégnées d’encre, couleur bleu paon. Où diable avait-elle trouvé cette nuance de teinture ? Il lui sembla que jamais une couleur ne s’était aussi bien imprimée, incrustée sur sa rétine. L’avait-elle fait exprès ? Il était enduit d’une rage, colère sauvage, envers cette fille.

            Comment avait-elle réussi, sans une parole, à pénétrer au plus profond de lui ? C’était comme si, après qu’il ait lu ce mot, elle était entrée dans son esprit et avait entamé une recherche éternelle, une fouille sans fin.

            C’est fou, une simple lecture était la clé du portail qui barrait la route menant à un immense réseau d’inspirations intimes. Lui-même n’avait jamais emprunté ce chemin, il n’était jamais allé aussi loin qu’elle. En avançant dans son être, elle solutionnait à la fois un excès et une carence. Omniprésente, elle creusait un trou abyssal, une faille sans fond.

Paon.

par Lwan

             Elle courait dans ses veines, nageait sous sa peau et dansait dans son cÅ“ur, soulevant sa poitrine entre les pulsations, à contretemps, à contrecÅ“ur. Le bordel qu’elle foutait, cette dingue. Avec ses couleurs et ses boucles, ses humeurs et sa bouche. Ces lèvres que seuls les shots et les filtres avaient effleurés jusque là.

 

             Il descendit du bus. Commença à marcher en direction de sa maison. Le trajet était court, bien qu’il s’en plaignît tout le temps. Toujours pensif et sur les nerfs, il ressortit le petit bout de papier fragilisé, froissé par la colère et déplié par l’obsession trop de fois. Il n’était plus utile, ces lettres étaient dans sa tête à jamais. Il passa devant chez lui sans ralentir, continua de marcher jusqu’à la forêt et finit par se jeter dans le lac gelé.

« Tu parcours mon corps comme un frisson,

tu enduis mon être de déraison. Â»

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