Dès que les amplis sont branchés, tous les regards convergent vers la scène. L'énergie de la chanteuse pince-sans-rire de Sutrah se diffuse dans le bar, elle sautille et jacte dans le micro pendant que ses potes s'accordent. Les premiers morceaux s'enchaînent aussi vite que les verres se vident, les fans invétérés pogotent à tout va, ceux qui découvrent battent le rythme sur le comptoir. Le rock vibre dans la chevelure du guitariste soliste qui ne fait qu'un avec sa Fender, tandis que son acolyte à la guitare rythmique prend tout bonnement son pied. Voici qu'arrive le moment preféré des habitués du vendredi soir : les nouvelles compos du groupe. Virola surprend avec ses paroles incisives aux accents rauques. Wanna, écrite la veille du concert, est absolument planante. Le riff à la basse est de ceux qui restent vissés dans le crâne. Après un rappel sismique accompagné de quelques ondées de bière, Sutrah, qui a fait le tour de son répertoire, conclut sur une impro. Le batteur, jusqu'ici dans l'ombre de ses camarades à ressorts sous les baskets, explose en roulements diaboliques. Les voisins peuvent enfin dormir lorsqu'ils quittent leur scène de fortune ; et la jeunesse s'éparpille, les commissures accrochées à leurs oreilles bourdonnantes.